Le Konpa, aussi appelé Compas, n’est pas seulement une musique. Il est un geste transmis, un lien vivant entre les générations, un souffle né en Haïti qui continue de faire battre les corps et les mémoires. Son inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO, officialisée le 10 décembre 2025, consacre un héritage profondément enraciné dans l’histoire et l’identité haïtiennes.

Les origines du Compas et la naissance d’un rythme national

Le Compas voit le jour au milieu des années 1950, dans un contexte de transformation sociale et culturelle en Haïti. À cette époque, la méringue haïtienne domine les bals populaires, mais un musicien visionnaire va en proposer une nouvelle lecture, plus structurée, plus continue, plus moderne.

Ce musicien est Nemours Jean-Baptiste, saxophoniste, compositeur et chef d’orchestre, unanimement reconnu comme le père du Compas direct. En 1955, avec son ensemble Aux Callebasses, il formalise ce nouveau rythme. Le Compas direct repose sur une cadence régulière, une basse marquée, des cuivres structurés et une rythmique pensée avant tout pour la danse. Cette stabilité rythmique permet une proximité corporelle inédite entre les danseurs et fait rapidement du Compas une musique populaire, urbaine et rassembleuse.

Nemours Jean-Baptiste ne crée pas seulement un style musical; il fonde une grammaire sonore qui influencera durablement la musique haïtienne et caribéenne. À travers le Compas, Haïti affirme sa modernité sans rompre avec ses racines culturelles.

L’essor du Compas (Konpa) et les générations musicales

Après Nemours Jean-Baptiste, le Compas connaît un développement fulgurant. Des orchestres et groupes emblématiques vont marquer des générations entières et accompagner l’évolution de la société haïtienne.

Parmi les figures et formations majeures, on peut citer Webert Sicot, contemporain de Nemours, qui contribue aux débats artistiques et à la diffusion du genre. Puis viennent des groupes devenus mythiques tels que Tabou Combo, Boukman Eksperyans (dans une fusion plus engagée), Skah-Shah, DP Express, Magnum Band, Zin, Carimi,Enposib, T-Vice, Sweet Micky, Nu-Look, K-dans, Zenglen, et bien d’autres formations qui, chacune à leur manière, ont renouvelé le Compas tout en respectant ses fondations.

Grâce à ces artistes, le Compas traverse les décennies, s’exporte avec la diaspora haïtienne, s’adapte aux influences contemporaines, tout en restant profondément identifiable. Il devient la bande sonore des mariages, des fêtes patronales, des réunions familiales et des grands moments de la vie collective.

Le Konpa, un patrimoine vivant reconnu par l’UNESCO

L’inscription du Konpa au patrimoine culturel immatériel de l’humanité vient reconnaître cette trajectoire exceptionnelle. Elle confirme que le Compas est bien plus qu’un divertissement: il est un patrimoine vivant, transmis par la pratique, la danse, la mémoire collective et l’émotion partagée.

Le Konpa rejoint ainsi deux autres expressions culturelles haïtiennes déjà inscrites sur cette liste prestigieuse: la soupe joumou, symbole culinaire de la liberté et de l’indépendance, et la cassave, héritage amérindien témoignant de savoir-faire ancestraux toujours vivants. Ensemble, ces éléments racontent Haïti dans toute sa profondeur: son histoire, sa résilience et sa créativité.

Flyer Konpa patrimoine de l’humanité

La portée de cette reconnaissance

La classification par l’UNESCO ne fige pas le Konpa dans le passé. Elle engage au contraire à le protéger, le transmettre et le valoriser, afin qu’il continue d’évoluer tout en restant fidèle à ses origines. Elle rappelle aussi au monde que la culture haïtienne est une source majeure de création et d’inspiration.

Le Nord d’Haïti, berceau d’histoire et de culture, s’associe pleinement à cette célébration et rend hommage à tous ceux qui ont fait vibrer le Compas hier, aujourd’hui et continueront de le faire demain.

Le Konpa est désormais reconnu à l’échelle mondiale, mais il reste avant tout une fierté nationale, un rythme qui unit et rassemble.
Konpa se fyète nasyonal. Konpa se patrimwàn mondyal.

Rédacteur : Wadler SEJOUR